
Rémy Cardinale a publié dans Antigone N°2 une contribution très étayée sur les artistes comme travailleurs. Je relaie aujourd'hui la tribune qu'il a rédigée suite aux annonces du département de l'Hérault en ce qui concerne le financement de la culture. C'est un cri de colère, dont j'ai souhaité conserver toute l'authenticité. Mais bien plus qu'une colère, bien plus qu'une vertueuse indignation, son propos se nourrit d'un regard POLITIQUE sur la valeur et le travail. Tandis que le Parti socialiste lui-même semble résolu à reprendre à son compte la "rhétorique de la tronçonneuse", il va bien falloir que nous nous emparions de ces questions si nous souhaitons opposer autre chose que des larmes à une "révolution conservatrice" dont nous constatons qu'elle en train de saper tous les fondements d'une société conviviale (au sens d'Ivan Illich).
Benoît Girard
Aujourd’hui encore c’est la consternation dans le milieu culturel.
Le département de l’Hérault a déclaré hier la suppression totale des subventions publiques pour la culture en 2025.
Ça chiale dur sur Facebook, d’autant plus que la couleur politique du département est soi-disant «de gauche» !
Je ne m’étendrai pas ici sur la cécité de ceux qui croient encore que ce parti est un allié objectif. Mais quand bien même il le serait, cela ne changerait rien à l’affaire.
Tant que nous déléguons nos intérêts propres à une classe politique, qu’elle soit de gauche ou non, nous acceptons d’être des travailleurs subordonnés de la culture. Des enfants non responsables de notre avenir social, à genoux devant nos maîtres qui décident dans leur coin de notre futur économique.
Il y a deux jours c’était le chœur de Toulon qui se voyait éliminé du champ de la production culturelle. Indignation collective, pétitions, et des syndicats qui appellent au soutien du chœur (méthodes inefficaces depuis des décennies).
Après Les Pays de la Loire et la Charente-Maritime, c’est au tour du conseil départemental de l’Hérault de fermer lui complètement le robinet. Les mêmes indignations vont fleurir avec le même résultat à la clef.
Demain ça sera un autre pan de la culture qui tombera… et rebelote.
Deux alternatives s’offrent à nous :
-laisser le capitalisme gérer nos vies et croire en son récit : dépense publique, dépense de culture, dépense de santé, d’éducation… comme si la valeur économique devait être créée seulement dans la sphère capitaliste pour être ensuite redistribuée à des fins sociales, culturelles, de santé ou d’éducation. Avec les crises comme aléas : «désolés les gars, mais vous comprenez bien qu’en ce moment c’est la crise, donc serrez-vous la ceinture encore un peu, mais demain si vous votez correctement on fera mieux, promis !»
-ou alors voir le déjà-là communiste d’une très large part de notre production actuelle. Oui les travailleurs de la culture produisent la valeur économique qui s’exprime dans les subventions publiques par exemple. Un artiste, une compagnie ne coûte rien à personne. Pas de dépense de culture mais bien une production de culture.
Il nous viendrait pas à l’idée de dire «dépense d’automobile ou d’avion», alors pourquoi le faisons-nous quand il s’agit de culture, de santé, d’éducation… ?
Les capitalistes disent : un travailleur ne produit de la valeur économique que s’il valorise le capital d’un propriétaire lucratif.
Sommes-nous obligés de croire à ces conneries ?
Aujourd’hui il existe bien deux styles de production : une capitaliste ( je n’y reviens pas) et une communiste, c’est-à-dire tous les travailleurs qui ne mettent pas en valeur du capital : les profs, les soignants de l’hôpital public, les retraités, et les artistes quand leurs revenus proviennent des subventions publiques ou de la part de l’assurance chômage quand ils sont intermittents du spectacle.
Alors arrêtons de chialer et posons ensemble les premières pierres de la sécurité sociale de la culture avant de tous crever du capitalisme !

Nos anciens l’ont fait avec le régime général de la sécu, nous ne sommes pas plus cons qu’eux tout de même !
Rémy Cardinale
30 janvier 2025